Face à l’ampleur du gaspillage alimentaire, chaque gramme compte, et une part non négligeable de cette bataille se joue dans les cuisines des restaurants commerciaux et collectifs. En maîtrisant leurs approvisionnements, leurs préparations et leur service, les restaurateurs détiennent les clés pour transformer une industrie et, par extension, œuvrer pour la grande transition alimentaire qui nous unit. Décryptage…
La problématique du gaspillage alimentaire moderne entame son quatrième siècle
Selon le Fonds des Nations unies pour l’alimentation (FAO), le monde gaspille entre un quart et un tiers de la nourriture produite chaque année, soit plus de 1,3 milliard de tonnes, pour une valeur de 750 milliards d’euros… un chiffre en hausse de 40 % sur les 40 dernières années. Selon un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNE), il suffirait de juguler les points de fuite tout au long de la chaîne alimentaire pour que le monde puisse manger à sa faim.
Le fléau du gaspillage alimentaire n’est jamais véritablement sorti du débat public depuis la révolution agricole du 18e siècle, qui a permis une augmentation massive de la production alimentaire. Car si la France est pionnière dans cette lutte, la marge de progression reste encore énorme.
Selon l’Ademe, ce sont 10 millions de tonnes de nourriture encore consommable qui finissent chaque année à la poubelle, tous secteurs confondus, dont un bon tiers issu de la consommation hors et à domicile, essentiellement à cause de la mauvaise conservation des produits et du recours à des portions non adaptées aux convives. Dans une autre étude de l’Ademe, environ 14 % du gaspillage alimentaire en France serait imputable à la restauration collective et commerciale.
Gaspillage alimentaire en restauration : pourquoi agir ?
La question peut sembler rhétorique, mais elle permet en réalité d’aborder la problématique dans sa complexité, au-delà de la simple question éthique. Tous les décideurs ne sont pas forcément motivés par les mêmes aspirations et ne sont pas tous uniformément sensibles aux mêmes arguments. Aborder tout le spectre des raisons d’agir, c’est faire un pas dans l’adhésion de tous à cette lutte qui ne peut être que globale.
- La question morale: comme l’explique ce papier du ministère de l’Agriculture, 8 millions de Français sont en situation d’insécurité alimentaire. Agir contre le gaspillage dans son établissement, c’est reconnaître cette précarité et contribuer, à son échelle, à une meilleure répartition des ressources alimentaires.
- La question écologique : selon l’Ademe, l’empreinte carbone annuelle du gaspillage alimentaire s’élève à 15,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 en France. C’est l’équivalent de près de 3,3 millions de voitures en circulation pendant un an.
- La question économique: la lutte contre le gaspillage alimentaire est également un levier de compétitivité pour les restaurateurs. La restauration collective perd 167 g par personne et par repas, contre 211 g en restauration commerciale (source). Ces pertes représentent un coût de 68 centimes (16 % du coût complet du repas) en collective (l’équivalent de 13 000 € par an pour un collège qui sert 300 repas par jour), et une moyenne de 1 € en restauration commerciale, soit 9 % du chiffre d’affaires (source).
- La question légale: l’arsenal législatif antigaspi s’est progressivement élargi depuis le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire mis en œuvre en 2013, avec notamment les lois « Garot », EGAlim, AGEC et Climat et Résilience. Parmi les mesures phares, citons le gourmet bag (ou doggy bag) imposé en restauration commerciale depuis le 1er juillet 2021, l’obligation de proposer une convention de don à une association d’aide alimentaire habilitée, l’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables, l’expérimentation de solutions de réservation des repas en restauration collective (depuis le 4 avril 2022), etc. Agir pour son établissement, c’est à la fois se conformer à la loi et anticiper le durcissement (très) probable de la législation en la matière.
- La question de l’image. L’émergence du Consom’acteur, qui oriente son comportement d’achat (entre autres) selon des critères éthiques, doit pousser les professionnels de la restauration à travailler la RSE de leur établissement pour éviter les bad buzz susceptibles de menacer sa pérennité.
Restauration commerciale : quels leviers pour lutter contre le gaspillage ?
S’engager contre le gaspillage dans son restaurant commercial, c’est déployer un processus systémique, de l’achat au post-service, avec une combinaison de mesures de bon sens et de quelques bonnes idées.
À l’achat
Le cahier des charges avec les fournisseurs est sans doute la mesure la plus décisive à ce niveau. Elle permet de fixer les critères attendus de qualité, d’origine, de calibrage et de date limite de consommation, et apporte une preuve probante en cas de non-conformité.
Il s’agira également de recenser ses stocks en avant achat pour utiliser les produits stockés et n’acheter que ce qui manque réellement. Le restaurateur gagnerait également à réaliser une fiche technique des plats (ingrédients, quantités, matériel) sur la base de la « meilleure recette » pour harmoniser les pratiques auprès de ses équipes et permettre la polyvalence.
A la réception des produits
A ce stade, il faudra s’assurer de la présence d’une personne formée au moment de la livraison pour vérifier que la commande reçue est complète, conforme au cahier des charges et à la bonne température. Il est également recommandé de portionner les grosses pièces dès réception pour faciliter le stockage des produits qui peuvent « cohabiter », sans risque de contamination croisée.
La préparation, la cuisson et l’assemblage
- Utiliser le produit et l’ingrédient au maximum, par exemple en utilisant les épluchures pour les fonds de sauce, les parures de poissons pour le fumet, le pain non consommé pour le pudding, etc.
- Utiliser la conservation saine autant que possible pour éviter le gaspillage, mais aussi pour économiser sur l’énergie et améliorer la disponibilité du matériel. Par exemple, les fonds de sauce refroidis rapidement peuvent être conservés trois jours. Certaines cuissons peuvent être faites la nuit, lorsque l’énergie est moins coûteuse, par exemple les parties basses de la viande qui peuvent être cuisinées en sous-vide (+67° C) et conservées trois jours, pour peu qu’elles soient refroidies à +10° C en moins de deux heures ;
- Dans le dressage, se limiter aux produits en rapport avec le plat pour éviter les superflus généralement gaspillés comme la feuille de salade ou le quartier de tomate ;
- La « bonne portion » est une quête permanente. Il s’agira d’étudier régulièrement les retours des assiettes et d’ajuster la quantité en conséquence. On peut ici vérifier habilement les raisons des restes auprès des clients pour en informer le chef de cuisine. Aussi, le restaurant gagnerait à travailler avec des fournisseurs capables de s’adapter à cette exigence.
- Rationaliser sa consommation d’eau et de produits d’entretien (réducteurs de pression sur les robinets, doseurs sur les produits d’entretien, etc.).
Menu, service, réservation…
Plusieurs techniques de « menu engineering » permettent de valoriser les restes encore consommables, comme par exemple les menus du jour, les plateaux de dégustation qui permettent de varier les portions en fonction du stock des restes, le fait d’orienter le menu autour de plats conçus à partir d’un maximum d’ingrédients communs, etc.
Il peut également être intéressant de proposer des portions de fin de service à petit prix (travailler avec des applications dédiées). On veillera aussi à respecter l’obligation légale du gourmet bag. Enfin, la présence active sur le web encourage la réservation, ce qui permettra de mieux anticiper le nombre de couverts.
Comment lutter contre le gaspillage alimentaire en restauration collective ?
Réduire le gaspillage alimentaire de 50 % à l’horizon 2025 par rapport à son niveau de 2015. C’est l’objectif ambitieux fixé par la loi AGEC. Pour y parvenir, les professionnels de la restauration collective peuvent activer plusieurs leviers.
Par rapport à un restaurant commercial, l’établissement de restauration collective aura généralement moins de difficultés à dresser l’état des lieux du gaspillage alimentaire, car les convives sont plus réguliers et le nombre de repas servis reste assez prévisible. L’ADEME propose plusieurs outils pour faire ce diagnostic et se situer par rapport aux moyennes nationales.
Après le diagnostic, l’investigation : quelles sont les principales causes du gaspillage ? Il s’agira dans un premier temps de vérifier les causes usuelles, comme la surestimation des quantités nécessaires, notamment pour le pain, l’absence d’un système de retours des convives, le gaspillage sur les plats équilibrés (légumes notamment) en cantine scolaire, etc.
Le plan d’action devra logiquement s’inspirer des résultats du diagnostic et de l’investigation. Plusieurs bonnes pratiques ont fait leurs preuves : soigner la présentation des plats « bloquants », concevoir un gâchimètre du pain bien visible en salle, prévoir un temps suffisant pour le déjeuner, etc.
Plusieurs mesures citées dans la partie précédente restent valables en restauration collective, notamment au niveau de l’approvisionnement, de l’utilisation créative des restes, du menu engineering, de la bonne portion, etc.
Il est enfin important de piloter les indicateurs de gaspillage au quotidien, par exemple dans un tableau de bord numérique, pour évaluer l’efficacité des actions menées.
Gastronome Professionnels, à vos côtés
Gastronome Professionnels, marque dédiée aux professionnels de la restauration et de l’agroalimentaire du groupe coopératif solidaire Terrena, s’engage à vos côtés pour une assiette vertueuse, en phase avec les attentes de vos convives.
Les chefs qui s’investissent dans le bien nourrir peuvent s’appuyer sur nos engagements forts, bien avant et au-delà des obligations légales. Gastronome Professionnels, c’est d’abord un engagement coopératif porté par l’amélioration continue de l’empreinte environnementale, des produits bons, sains et traçables, un cahier des charges exigeant sur le bien-être animal et une économie agricole vertueuse au service des territoires.
Ce sont, aussi, des filières et labels reconnus comme La Nouvelle Agriculture, Sortant à l’extérieur, Label Rouge, Biologique. C’est enfin un savoir-faire inédit, à la pointe de la technologie, pour répondre à chaque demande avec le meilleur produit, la meilleure qualité et la bonne découpe : produits frais, surgelés, sous vide, sous atmosphère, en vrac, etc.
Nous utilisons des outils de production performants spécialisés dans les découpes primaires (filets, cuisses, hauts de cuisse, pilons, suprêmes), secondaires (émincés, cubes, escalopes, hauts de cuisse sans os ou sans peau) et élaborées (émincés rôtis, saucisses, boulettes, hachés, etc.). Nous proposons et travaillons également des produits calibrés en co-construction avec nos clients restaurateurs, traiteurs, boulangers-pâtissiers et entreprises agroalimentaires. Objectif : s’inscrire au plus près des demandes de leurs convives et clients à la fois en matière de goût, de qualité, de quantité, de traçabilité et d’éthique.