L’alimentation et l’agriculture occupent une place de choix dans la feuille de route pour l’atteinte des objectifs de développement durable à l’horizon 2030. En tant qu’entité supranationale historique, l’ONU définit le cadre général de la Transformation Alimentaire, tandis que des ONG, startups et acteurs agroalimentaires rivalisent d’ingéniosité pour concrétiser les grandes orientations onusiennes. Décryptage…
Les coûts sociaux et environnementaux de l’embellie productiviste des dernières décennies
L’agriculture et l’alimentation se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins. Du temps des chasseurs – cueilleurs d’antan à celui de la chaîne de valeur agricole d’aujourd’hui, l’Homme a toujours redouté de manquer d’aliments, à fortiori dans un contexte d’explosion démographique. C’est sans doute ce réflexe de survie qui a impulsé les améliorations majeures de la productivité agricole au cours des dernières décennies, si bien que l’augmentation de la production s’est faite à un rythme supérieur à celui de la croissance de la population. Lors des 60 dernières années, la population mondiale a plus que doublé, mais la production alimentaire a plus que triplé.
Cette amélioration ne s’est pas forcément accompagnée d’un agrandissement des superficies agricoles, ces dernières n’ayant progressé que de 15 % sur la même période selon les chiffres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Plutôt que l’élargissement géographique de l’activité agricole, ce sont le recours à des intrants plus performants (engrais de synthèse, variétés améliorées, produits phytopharmaceutiques) et l’optimisation de la gestion agricole (rotation des cultures) qui ont été privilégiés.
Mais ces progrès se sont souvent accompagnés de coûts sociaux et environnementaux : pénurie d’eau, dégradation des sols, stress des écosystèmes, perte de biodiversité, diminution des stocks de poissons, baisse de la couverture forestière et augmentation vertigineuse des émissions de gaz à effet de serre. Le dernier siècle a gravement entamé le potentiel productif de notre base commune de ressources naturelles, compromettant la fertilité future de la planète.
Selon l’ONU, 815 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, et une personne sur trois souffre de malnutrition, ce qui témoigne d’un système alimentaire déséquilibré. Les migrations de détresse atteignent des niveaux sans précédent depuis plus de 70 ans, car la cohésion sociale et les traditions culturelles des populations rurales sont menacées par un accès limité aux terres et aux ressources, les conflits armés et les catastrophes naturelles, dont la fréquence semble augmenter sous l’effet du réchauffement climatique.
Objectifs de Développement Durable 2030 : les 20 actions recommandées par l’ONU sur le volet agroalimentaire
L’ONU a mis au point un programme de développement durable à l’horizon 2030, promettant une « voie de prospérité inclusive ». Principal lien entre l’Homme et la planète, l’alimentation et l’agriculture occupent logiquement une place centrale dans la réalisation de nombreux objectifs de développement durable (ODD).
« Bien nourris, les enfants peuvent apprendre, les individus peuvent mener une vie saine et productive et les sociétés peuvent prospérer », peut-on lire dans le guide « Transformer l’alimentation et l’agriculture pour atteindre les ODD » réalisé par l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Aussi, l’agriculture, qui englobe les cultures, l’élevage, l’aquaculture, la pêche et les forêts est le premier employeur au monde. C’est également le secteur économique le plus important pour de nombreux pays. Les modèles d’agriculture durables revitalisent les paysages ruraux, redynamisent l’économie des territoires, limitent l’exode et retissent le lien entre la cité et son arrière-pays.
L’ONU et la FAO ont ainsi défini 20 mesures actionnables par les décideurs de la chose agricole pour œuvrer pour les ODD. Extrait :
- Faciliter l’accès aux ressources productives, aux financements et aux services;
- Connecter les petits exploitants au marché et leur garantir des débouchés viables ;
- Encourager la diversification de la production et des revenus;
- Enrichir les connaissances des producteurs et développer leurs capacités ;
- Améliorer la santé des sols par la promotion de pratiques vertueuses;
- Réduire les pertes et le gaspillage, encourager le recyclage et promouvoir une consommation durable.
Retrouvez l’intégralité des recommandations de l’ONU dans ce document.
Ces ONG et startups qui impulsent le changement
Pilotées par des porteurs de projet animés par l’urgence environnementale au sens large, de nombreuses jeunes pousses se sont appropriées les recommandations de l’ONU avec des propositions de valeurs innovantes.
Bloom, ONG française, œuvre pour la médiatisation des dérives halieutiques pour sensibiliser le grand public. Comme le rapporte le média ladn.eu, Bloom a découvert que 83 % des captures certifiées MSC entre 2009 et 2017 « impliquaient des méthodes de pêche dommageables telles que le chalutage de fond et le dragage en haute mer ». Pour aller plus loin, OpenSC outille les consommateurs (et les régulateurs) avec des données fiables sur les conditions de capture de chaque poisson.
Pour repositionner la pratique agricole dans les pôles urbains, la startup Noocity a installé huit potagers low-tech dans la crèche nantaise Ba’bees. Dans le Var, la conserverie itinérante de Julie et Faustine traque les invendus pour les revaloriser en plats succulents et/ou les distribuer aux associations caritatives. Ces expériences ont été tirées du Livre des Tendances 2022 de l’ADN qui documente de nombreuses initiatives d’ONG et de startups pour impulser une transformation des systèmes agroalimentaires mondiaux dans le cadre des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.